Martinique | Entretiens

Entretien avec Georges Arnaud


Auteur : Frédérique Laurent
Militante depuis des années, Georges Arnaud, est la présidente de l'Union des Femmes. Elle se bat, jour après jour, pour que les violences envers les femmes cessent en Martinique. Souvent critiquée, cette association fait un travail de fourmi dans le département pour changer les consciences.
[ Samedi 09 déc. 2006, 09:17 | DOMactu.com | Par Frédérique Laurent ]

DOMactu : Georges Arnaud beaucoup de personnes vous connaissent en tant que présidente de l'UFM, mais dites en nous plus sur qui vous êtes réellement?

GA : Je suis une femme martiniquaise, née en Martinique. Je suis mariée, et j'ai deux garçons de 23 et 20 ans. Donc j'ai un homme qui partage ma vie. J'ai été une militante très, très jeune. J'ai commencé à militer dès l'âge de quinze ans dans les moments lycéens, dans les années 70 . J'ai été aussi très active dans les grèves lycéennes à Baimbridge en 73, et c'est à Toulouse, que j'ai connu le groupe Révolution Socialiste. Et je me suis ainsi impliquée dans l'action politique, en second plan, j'étais membre de l'Agem, l'association générale des étudiants martiniquais. Quand je suis rentrée en Martinique, j'ai continué à militer et on peut le dire j'ai toujours milité, en tout temps ! Je me suis rapprochée de la question féministe, à partir des années 90, puisque j'ai été chargée de mission à l'Education Nationale sur la diversification des choix professionnels à des jeunes filles. Et c'est ainsi que j'ai rejoint l'Union des Femmes à cette même date en 90. Et  en 97, j'ai été élue présidente de l'Ufm et je crois être à mon quatrième mandat. En dehors de ça, je suis une femme pleine de vie, j'aime m'amuser, je fais du sport, je marche.

DOMactu : Pour vous, quelle est la place de l'UFM en Martinique ?

GA : Je crois que l'UFM a une place importante en Martinique. Importante, cela veut dire que quand on parle de l'Union des femmes en Martinique, tout le monde sait de qui on parle, d'une association qui joue un rôle dans le paysage socioéconomique de ce pays . Cela ne fait plus sourire personne, ça dérange beaucoup de gens, certes ! Puisque nous dérangeons certains hommes dans leurs privilèges et leur confort. Vous savez quand on veut remettre en question le privilège et le confort de certaines personnes ça les dérangent ! Maintenant, quand nous demandons des entretiens, des rendez-vous aux personnes qui dirigent ce pays, nous sommes bien reçues, écoutées peut-être pas suivies dans tout ce que nous disons, mais au moins nous sommes écoutées, peut-être pas entendues. Je crois que l'action que nous menons, ce sont des actions de progrès, et effectivement nous pensons que la question des femmes a permis à la société martiniquaise d'aller vers une société plus démocratique, plus juste en direction des femmes. C'est une action extrêmement importante que l'UFM mène parce que cette société ne peut pas se dire moderne et démocratique si cette question n'est pas posée, et qu'on n'essaie pas de la résoudre. La question de l'égalité entre les hommes et les femmes.

DOMactu : Que diriez-vous aux hommes et aux autres personnes qui disent qu'à l'UFM, il n'y a que des femmes aigries ?

GA : Je les laisse à leurs propres affaires ! Vous savez les gens le disent car ça les arrange de le dire, plus ils vont le dire et surtout à des femmes, c'est en fait pour empêcher aux autres femmes de nous rejoindre. Vous pensez bien que si on vous dit qu'à l'UFM, il n'y a que des femmes aigries, vous n'aurez pas envie de nous rejoindre. Ils savent pertinemment que c'est faux, et ces mêmes personnes qui me connaissent, savent que nous ne sommes pas aigries, et que nous sommes au contrairement des femmes complètement épanouies, que nous nous éclatons dans ce que nous faisons, dans la vie. Nous nous adressons directement aux femmes, en leur disant qu'adhérer dans un mouvement qui milite pour l'émancipation des femmes est quelque chose d'exaltant. Nous posons nos pierres pour nos propres enfants pour qu'ils aient une société plus juste, avec moins de violence en direction des femmes.

DOMactu : Quel regard portez vous sur l'évolution des violences faites aux femmes ?

GA : C'est assez affolant ! Nous avons mené beaucoup de campagnes, les femmes ont enfin brisé le mur du silence, et elles parlent beaucoup, c'est-à-dire qu'elles refusent la violence et la dénoncent. Et cela, les hommes ne l'acceptent pas, ne le supportent pas et bien entendu ils redoublent de violence. C'est-à-dire qu'ils ne reconnaissent plus cette femme qu'ils ont en face d'eux, qui acceptait depuis 3 ans, 5 ans, 10 ans, des violences, des récriminations, des réprimandes, humiliations, etc. Et qui brusquement hausse la tête, et dit « Moi j'arrête, stop je dis NON ! ». Ben ces hommes-là pètent les plombs et redoublent de violence. Et c'est là que ça devient dramatique. En fait, cela ne veut pas dire obligatoirement que les hommes deviennent plus violents, c'est possible car nous sommes dans une société difficile avec chômage et autres difficultés, mais c'est peut être aussi parce qu'aujourd'hui, les femmes parlent plus facilement.

DOMactu : Tant de violence, n'est ce pas aussi parce que nous sommes dans une société machiste ?

GA : La société martiniquaise est machiste, mais elle n'est pas plus machiste que la société espagnole ou portugaise. C'est vrai, on est dans une société de domination masculine, on est dans une société de patriarcat. Certains hommes imaginent que les relations ne peuvent être inscrites que sur des relations de domination, c'est-à-dire que la femme doit obéir et rester dans ses rangs. La distribution des rôles n'a jamais été remise en question : c'est la femme qui fait le ménage, s'occupe des enfants. Vous pensez bien que ce ne sont pas ces hommes machistes qui vont remettre cela en question.

DOMactu : Dernièrement, Catherine Vautrin, la Ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité s'est rendue en Martinique, sa venue dans notre île était un acte fort pour vous ?

GA : Ben non ! Elle est venue dans une période pré-électorale, elle est venue faire une conférence pré-électorale ! Et d'ailleurs dans le discours qu'elle a fait en direction des Femmes de la caraïbe, elle n'a parlé que des projets du gouvernement auquel elle appartient, elle n'a absolument pas parlé des femmes de la caraïbe. Pour nous à l'UFM, nous n'avions pas rendez-vous avec cette dame, nous avons contesté auprès du préfet et nous avons pu échanger avec elle en l'espace de 3 minutes. Elle nous a confirmé qu'il y aura l'enquête violence qui sera faite en direction des femmes en Martinique et elle nous a confirmé que les contrats d'adultes-relais que nous avons sollicité qui prennent fin bientôt, seront renouvelés. Cela nous satisfait mais nous aimerions un entretien beaucoup plus long avec Mme Vautrin, puisque nous sommes des femmes en Martinique, donc nous faisons partie également des femmes françaises. On est sous le régime Français on y peut rien ! On est une colonie française donc on aimerait bien être traité pareil.

Propos recueillis par Frédérique Laurent.

Frédérique Laurent - DOMactu.com
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