Aujourd'hui, je vais à Pointe-à-Pitre en car (et je reviens en car)
J'ai rendez-vous à Pointe-à-Pitre, ce mercredi 19 septembre. Au lieu
de prendre la voiture (il y en a tellement en Guadeloupe, c'est assez
hallucinant), je me décide à prendre la car pour deux raisons:
On roule moins vite qu'en voiture, on est en hauteur, et on peut
admirer le pays. C'est aussi un formidable lieu d'échange social et
solidarité. Les discussions vont bon train, et la mamie encombrée de
sacs et sachets bourrés de fruits et légumes du marché est toujours
traitée en reine. Et puis on est toujours au fait des nouveautés zouk
saucisson, parce que c'est la musique officielle des chauffeurs. De
quoi s'assurer un agréable voyage.
La deuxième raison était plus « journalistique », dirons-nous: je
voulais mettre à l'épreuve l'efficacité du système des transports
publics.
Me voilà, mercredi matin, aux alentours de 10 heures du matin, debout
sur le bord de la route, entre Hauteurs Lézarde et Vernou, à
Petit-Bourg (oui, c'est le bois, comme on dit). Ces transports en
commun, je les connais depuis petit; lorsque je voulais driver à
Pointe-à-Pitre, et que ma mère était soit réticent à m'emmener en ville
soit absente, j'empruntais les cars. A la Lézarde-Vernou-Prise d'Eau,
en direction de Pointe-à-Pitre, on dénombre environ cinq cars, dont les
horaires sont toujours aussi mystérieux pour moi. Légèrement exaspéré
(je cuis sous le soleil), je m'en vais demander à une épicière pas loin
l'heure du prochain car. D'ici dix minutes, me répond-t-elle.
J'attends une bonne trentaine de minute - assis à présent - au bord de
la retour avant d'entendre puis d'arrêter le car. Lorsque je monte,
l'ambiance est, comme prévu, chaleureuse. Au fil des arrêts, les gens
montent et saluent aimablement.
Trente minutes plus tard, j'arrive à la gare de Pointe-à-Pitre et j'ai
débourser environ 2,50 euros, c'est peu et beaucoup en même
temps.surtout quand les tarifs ne sont pas affichés.
Le retour se passe de façon similaire: j'arrive à la gare de
Pointe-à-Pitre vers 16h30 et monte dans un car direction Vernou. Avec
la nouvelle gare, les véhicules de transports sont un peu mieux garés,
et on s'y retrouve plus vite. Bon point. J'attendrai cette fois-ci une
quinzaine de minutes avant le départ, direction les bois. Lorsque l'on
dépasse le rond-point de la Lézarde, et que l'on monte direction
Vernou, les sonnettes d'arrêt - ou la voix des passagers criant «
arrestez! » - retentissent et le car s'arrête: dépôt presqu'à domicile.
A mon avis, le système des arrêts sera l'un des grands enjeux, si
refonte du système des transports il doit y avoir. Parce qu'il faut
noter que ces transports sont empruntés par une majorité de personnes
mûrs et âgées qui descendent faire leurs courses à Pointe-à-Pitre.
Comment expliquer à une mamie chargée et marchant péniblement que son
car ne pourra plus s'arrêter sur commande?
Bref, j'arrive chez moi, et débourse à nouveau 2,50 euros. J'ai dépensé
5 euros pour me rendre en ville. Bon, ça fait quand même beaucoup, en
fin de journée.
Pourquoi faut-il réformer?
Malgré tout, il apparaît absolument nécessaire de réformer ce système de transports, et ce pour plusieurs raisons.
La première raison est que le système actuel est dépassé et ne répond
pas aux attentes des consommateurs. Comme il a été montré plus haut,
les horaires et les tarifs sont obscurs, les cars irréguliers (plus de
cars après 17h-17h30, et pas de service le samedi après-midi et le
dimanche). Il faut savoir que le transport public en Guadeloupe repose
sur des convention - ancienne - entre le Conseil Général et des acteurs
privés. Environ 450 exploitants assurent le service à risques et
périls. La loi du 6 août 2002 prolongeait la convention entre le public
et le privé, jusqu'en juin 2006, date à laquelle le transport en
Guadeloupe devait être réformé. Une dérogation accordée par Mr Baroin a
prolongé la convention jusqu'en décembre 2007 afin de na pas avoir de «
rupture du service public ».
La réorganisation est donc pour très bientôt.
La seconde raison est économique: un système de transports développé et
organisé permettra une meilleure circulation des personnes résidant en
Guadeloupe, et le désenclavement de certaines zones, qui deviendraient
plus facilement accessibles. Évidemment, le tourisme, première
ressource de l'île y gagnerait.
Le troisième raison est écologique: il y a de plus en plus - trop! - de
voitures (On parlait de 128 000 voitures de tourisme qui occupent
chaque jours le réseau routier! proposition de loi en 2002)
en Guadeloupe. Vu que les transports en commun ne sont pas efficaces,
les foyers possèdent généralement une voiture pour chaque membre de la
famille. Imaginons une famille, avec les deux parents et deux enfants,
en âge d'aller à la faculté de Fouillole; eh bien voilà quatre
véhicules.
D'autre part, de nombreux transports en commun, vieillissants (la
plupart des cars sont les même depuis que j'ai 10 ans.) ne répondent
absolument pas aux normes environnementales en matière d'émissions de
gaz.
A quoi pourrait ressembler le nouveau système de transports en Guadeloupe?
Ce qu'il faut préciser, c'est qu'une restructuration de l'offre ne
sera pas simple, en raison des nombreux acteurs présents: les usagers,
les propriétaires des lignes de transports etc.
Plusieurs propositions ont déjà été faites (dont la proposition de loi
en 2002 que l'on doit à Jalton), mais visiblement, les négociations
avec les divers acteurs sont et s'annoncent ardues. En résumé,
quelqu'un devra payer pour racheter les lignes aux conducteurs de cars.
Si pour certains, ce rachat est bienvenu (pour les propriétaires de
petites lignes enclavées, dont le coût d'exploitation est supérieur au
profit engendré), pour d'autres, à savoir les grosses sociétés de
transport Basse-Terriennes qui détiennent des lignes juteuses, les
choses seront un peu plus compliquées.
Il serait intéressant, si les négociations aboutissent enfin, et que
l'on peut avancer, de mettre en place des arrêts fixes sur les trajets,
avec des horaires définis et affichés afin d'être lus de tous. Puis, un
système de correspondances serait une belle innovation à ce niveau.
Quelqu'un qui part de Vernou et qui veut se rendre à Pointe-à-Pitre par
exemple, emprunterait la navette des routes départementales qui le
déposerait à la correspondance routes nationales, où elle attendrait le
passage d'une nouvelle navette. Ces navettes se concentreraient sur un
trajet unique; la navette départementale ne ferait que des
allers-retours entre son point de départ et la correspondance.
Et vous, que pensez-vous des transports en commun en Guadeloupe?
Et vous, martiniquais, guyanais ou réunionnais, comment cela fonctionne-t-il chez vous?