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Crise alimentaire en HAITI : l'urgence d'un New Deal

Le Secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), José Miguel Insulza, était en Haïti cette semaine dans le cadre d'une mission urgente d'évaluation de la crise alimentaire. Cette mission du « Groupe des Amis d'Haïti », impliquant différents représentants d'Etats et d'organisations internationales, s'est substituée à une éventuelle réunion des donateurs programmée à la même période et partiellement annulée en raison des récentes « émeutes de la faim ».
[ Vendredi 25 avr. 2008, 12:05 | DOMactu.com | Par JB ]
Argentine, Brésil, Canada, Mexique, Etats-Unis, Union européenne, Communauté caribéenne, Nations Unies, Banque Mondiale, FMI, étaient notamment mobilisés cette semaine autour de cette nouvelle crise haïtienne qui affaiblit les quelques progrès enregistrés sur place par les 9.000 casques bleus en matière de sécurité et de développement.

Le Secrétaire général de l'OEA a appelé les organisations internationales et les grands pays à venir en aide au peuple haïtien « le plus rapidement possible ».

Double message de l'OEA : « Oui, une approche structurelle du problème est cruciale si l'on veut aider le gouvernement à résoudre la crise alimentaire sur le moyen long terme. Non, la démission la semaine dernière du PM Jacques-Édouard Alexis ne traduit pas une quelconque « crise politique » en Haïti. Le président René Préval est toujours respecté et contrôle la situation politique, menant actuellement des consultations en vue de nommer un nouveau Premier ministre ».

Hier à New-York, l'ONU a diffusé un communiqué dans ce même sens : « Le Secrétaire général Ban Ki-moon pense qu'Haïti fait des progrès considérables vers la stabilité politique, économique et sociale, qui est cruciale si on veut éviter un recul qui ferait disparaître les gains accumulés au cours des quatre dernières années », a déclaré une porte-parole qui a cependant reconnu que « la rapide détérioration des conditions socio-économiques a provoqué d'importantes tensions et des émeutes ».

La semaine dernière, la MINUSTAH avait distribué 14 tonnes de nourriture accordées par le gouvernement du Brésil. Il y a quelques jours, une distribution de riz et de haricots à Cité Soleil, dans la capitale Port-au-Prince, a permis de voir l'étendue des besoins, en particulier des personnes dites « vulnérables ».

Les différents rapports alarmants qui se multiplient en provenance du « pays le plus pauvre de l'hémisphère Ouest », font donc craindre aux grands donateurs d'Haïti une nouvelle perspective de « chaos » qui se résumerait à plusieurs milliards de dollars dépensés, une nouvelle fois, en pure perte.

D'où l'urgence haïtienne, aux yeux de la communauté internationale, de retrouver très vite un gouvernement de coalition stable capable de continuer les réformes engagées il y a deux ans.

Et l'idée, régulièrement évoquée, de geler, pour ne pas dire effacer, les problèmes de dette nationale pour ne pas pénaliser un semblant de reprise économique : en 2007, le taux de croissance a été estimé à 3,2% et l'inflation était marquée à la baisse.

Or la FAO a remarqué il y a quelques jours, en amont de sa 30e Conférence régionale pour l'Amérique latine et les Caraïbes, que les prix des denrées alimentaires en Haïti sont « de 50 à 100 % plus élevés qu'ils ne l'étaient un an auparavant ».

Profitant de ce sommet, le président du Venezuela Hugo Chavez, a annoncé mercredi dernier depuis Caracas la signature d'un accord par les pays de l'Alternative bolivarienne pour les peuples d'Amériques (ALBA) portant sur la création d'un Plan de coopération en matière de souveraineté et sécurité alimentaires. L'accord a été signé par les présidents de la Bolivie, Evo Morales, du Nicaragua Daniel Ortega et le vice-président cubain, Carlos Lage. Pour les membres de l'ALBA, la crise alimentaire actuelle est un effet pervers du capitalisme à outrance.

Citant l'exemple des images choquantes récemment diffusées montrant des enfants haïtiens en train de manger des galettes de boue, le président Chavez a aussi estimé que la « prophétie apocalyptique » d'une situation de famine mondiale est aujourd'hui devenue une réalité.

Plus pudiquement, le président de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick, préfère parler d'images « dérangeantes » qui doivent pousser la communauté mondiale à s'engager vers un « New Deal » de la politique alimentaire mondiale. Ce new deal « devra se concentrer non seulement sur les questions de faim et de malnutrition, d'accès à la nourritures et à ses matières premières, mais aussi sur les interconnexions avec les questions de l'énergie, de rendements, de changement climatique, d'investissement, de marginalisation des femmes et des autres, de souplesse économique et de croissance ».

Pour toutes ces raisons, la communauté internationale pourrait aussi considérer Haïti comme un éventuel laboratoire de ce New Deal alimentaire.

D'après le président Préval, Haïti a besoin de 30.000 tonnes métriques de riz, 15.000 tonnes de blé et 7.000 tonnes d'huile de cuisine par mois.

La nouvelle crise alimentaire mondiale a commencé à être annoncée en début d'année, il y a quatre mois, par certains experts « stratégistes » anglo-saxons qui parlaient déjà d'une « catastrophe mondiale ».

La FAO organise un « Sommet sur la sécurité alimentaire » du 3 au 5 juin 2008 à son siège de Rome auquel le président brésilien Lula a promis de participer.

JB

La facture des importations céréalières des pays les plus pauvres du monde devrait augmenter de 56 % en 2007/2008 après une hausse significative de 37 % en 2006/2007, indique la FAO.
Pour les pays à faible revenu et déficit alimentaire en Afrique, cette facture devrait augmenter de 74 %, selon le dernier bulletin Perspectives de récoltes et situation alimentaire de la FAO. La hausse est due à l'envolée des cours internationaux des céréales, des tarifs du fret et du prix du baril de pétrole.
Ce sont les prix du riz qui ont le plus augmenté, suite à l'imposition de nouvelles restrictions à l'exportation par les principaux pays exportateurs. Fin mars, les prix du blé et du riz avaient doublé par rapport à ceux observés un an plus tôt et les prix du maïs avaient augmenté de plus d'un tiers, selon le rapport. (Source : FAO)
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a récemment considéré que la hausse des prix constituait « son plus important défi en 45 ans d'existence, un tsunami silencieux qui menace de faire basculer dans le gouffre de la faim plus de 100 millions de personnes sur chaque continent ».
JB - DOMactu.com
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