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Tribune : Consultation du 10 et 24 janvier, un constat de dupe

Ce constat est limpide et réaliste : c'est un leurre du chef de l'Etat. Son but, c'était dès le départ, de nous sortir du droit commun. Il y arrive, mais, Comment ?
[ Vendredi 13 nov. 2009, 00:30 | DOMactu.com | Par DOMactu ]
Lisons cette phrase sur le blog Evolution Martinique « Si la Martinique et la GUYANE répondent deux fois « non » en janvier 2010, la réponse se trouve dans le troisième alinéa. Ces deux DOM seront dans le droit commun ». Ce que ne dit pas Madame PENCHARD volontairement, c'est que dans le cas où ces deux départements répondent non le 10/01/2010 et disent oui le 24/01/2010 quel sera exactement leur sort ? Pourquoi n'a-t-elle pas donné la solution dans ce deuxième cas ? Tout simplement parce que les populations verraient la tricherie de cette double consultation.

Qui tirera les bénéfices d'un non à l'article 74 ? Ce sont les autonome-indépendantistes. Pourquoi ? En cas d'un rejet par ces deux populations de l'article 74, que se passera-t- il si le deuxième vote est positif pour une acceptation d'une seule assemblée dans l'article 73 ? Tout simplement nous sortirons du droit commun, et la loi organique nous donnera le coup de grâce. Madame PENCHARD fait l'impasse sur ce deuxième cas que je soulève parce qu'elle sait que nous avons été roulés dans la farine par Nicolas SARKOZY.

Quand j'entends la droite gloser en faveur du deuxième vote estimant qu'une assemblée dans l'article 73 serait une avancée elle se trompe. Madame le Ministre de l'outre-mer dit clairement que les deux départements qui seront consultés ne seront dans le droit commun qu'à la condition d'avoir voté non aux deux questions. Cela ne peut être plus clair. Elle évite de soulever le cas où le premier vote serait rejeté et le deuxième positif. Je me fais l'avocat du diable. Le chef de l'Etat aura atteint son objectif prioritaire : nous expulser du droit commun. Mais alors me direz-vous, nous serons toujours dans l'article 73 ? Oui, mais, hors du droit commun.

C'est dire que l'article 73 ne nous protège en rien de la sortie du droit commun, et pour cause. Je rappelle pour ceux qui ne le savent pas que dans l'article premier de la Constitution alinéa 1er il est écrit. « Dans les Départements et Régions d'outre-mer les lois et les règlements s'appliquent de plein droit». Que se passera-t-il puisque le droit commun ne s'appliquera plus chez nous ? Attendons tout de même la loi organique pour être fixés. Mais j'ai ma petite idée sur la suite.

Il est fort probable que nous nous retrouvions dans une collectivité à statut particulier dont la dénomination serait une Collectivité départementale ce qui n'a plus rien à voir avec un département. Dès lors, nous nous retrouverons, dans ce que Brigitte Girardin appelle de ses voux, l'assimilation législative. Que veut dire ce terme ? C'est le partage institutionnel entre l'article 73 et 74, l'identité législative et la spécialité législative. Le problème c'est qu'en ne relevant plus du droit commun nos élus surferont librement entre ces deux institutions avec beaucoup plus de liberté. Cette assimilation veut dire que nous serons à 70% dans la spécialité législative contre 30% dans l'égalité législative ; le droit commun deviendrait quelque peu facultatif. Madame PENCHARD le confirme, il faudrait dire non aux deux votes. Or elle sait pertinemment que les populations concernées voteront sans doute pour une seule assemblée au deuxième vote.

Quelle sera la teneur de l'ordonnance qui, pour gagner du temps a été déjà rédigée, tout en sachant que les réponses seront un non et un oui ? Est-ce à dire que, quelle que soit la réponse, la rédaction de cette ordonnance sera maintenue, alors qu'elle est faite dans le cas où les populations consultées répondraient non aux deux votes. N'est-ce pas nous prendre pour des imbéciles ?

La GUYANE et la MARTINIQUE se préparent à entrer dans la catégorie de collectivité flottant entre deux eaux. Tantôt l'Etat dira oui, tantôt non, puisque le régime de l'égalité législative restera au bon vouloir du Gouvernement, ou plutôt du chef de l'Etat. En fait si ce que je pressens se produit il ne faudra nous en prendre qu'à nous-mêmes, à ce « nous-même » qui ne nous lâche pas. Au moins Sarko nous rend le service de rester « nous-mêmes ». Nous paierons cet ego surdimensionné. Peut-être fallait-il que la détermination de cet homme au pouvoir nous détache de la métropole. La suite sera un long fleuve tranquille, selon ce que disent les séparatistes, qui estiment que les pouvoirs de l'Etat nous empêchent de développer notre département. Ils réduiront le chômage, créeront des emplois, ce que je leur souhaite parce qu'ils croient réellement à ce qu'ils promettent. Je n'ose parler de douche froide mais attendons de voir s'ils réaliseront ce qu'un grand Etat (la France) n'a pas pu faire sur 60 ans.

Je pense qu'ils ne parleront plus de doublons, ni de chevauchement ils auront la bride sur le cou, mais ce n'est pas pour autant que les querelles, et les haines disparaîtront. Ce serait ne pas connaître la société dans laquelle je suis né. Avoir une seule assemblée ne garantit pas non plus que les loups avides de pouvoir deviendront comme par l'opération du Saint- esprit de tendres agneaux. SARKO en nous mettant dans une possible situation institutionnelle de collectivité à statut particulier, en supprimant au passage le droit commun, sait que les loups se dévoreront entre eux. Il se soulage en leur mettant entre les mains des moyens de développement accrus et en les laissant se débrouiller entre eux. Au moins cela aura le mérite de ne plus les autoriser à rejeter leurs incapacités sur l'autre, sur le « colonialiste ».

Un petit détail . Quand le chef de l'Etat renforce les pouvoirs du préfet c'est que nous sommes dans une sorte d'autonomie. Le fait de nommer un haut commissaire en sus du préfet en dit long. Je rappelle que dans les COM ne sont nommés que des hauts commissaires. Or nos élus ont l'air étonné ! Le haut commissaire sera là pour vérifier que les responsables iront bien dans la direction du développement économique, puisqu'ils n'ont pas su le faire avec tous les fonds déversés sur cette île. C'est une logique de l'Etat : il finance, il contrôle. Compte tenu du commentaire de Mme Penchard, il serait hautement souhaitable que la population vote NON, le 10 comme le 24 janvier 2010, pour pouvoir continuer à bénéficier du régime de droit commun.

Charles Rano
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